Le travail qui tue, qui détruit le corps et l’âme, qui rend malade, infirme, c’est encore aujourd’hui une triste réalité au Québec. C’est à cette réalité que fait écho le Jour commémoratif des personnes décédées ou blessées au travail, le 28 avril.
Plus effarant encore, le nombre des décès dus à des accidents de travail ou à des maladies professionnelles n’a cessé d’augmenter au cours des trois dernières années, sans que le gouvernement ait le courage politique de prendre des mesures concrètes pour réellement corriger la situation.
La situation s’est encore aggravée en 2017, si on en juge par les statistiques rendues publiques aujourd’hui par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. Le nombre de travailleurs décédés en 2017 a augmenté de 6 %, passant de 217 à 230. De ce nombre, 168 sont morts d’une maladie professionnelle et 62 à la suite d’un accident de travail.
« Ce bilan est accablant. C’est beaucoup trop pour une société comme la nôtre qui se veut avancée. Derrière ces statistiques, nous ne devons jamais oublier qu’il y a des drames humains déchirants, qui auraient pu être évités si tous, à commencer par le gouvernement, nous avions pleinement assumé nos responsabilités. Chaque décès équivaut à un échec, celui de notre approche en santé-sécurité dans les milieux de travail », souligne le président de la CSD, Luc Vachon.
L’industrie de la construction est celle qui affiche le plus grand nombre de décès comme de lésions professionnelles. L’hécatombe s’est poursuivie l’an dernier, alors que 63 travailleurs sont morts, 16 à la suite d’un accident de travail et 47 d’une maladie professionnelle. Malgré ce bilan désastreux, la Loi sur la santé et la sécurité du travail ne s’applique pas dans son intégralité à ce secteur d’activités, en effet, contre tout bon sens, les dispositions touchant le comité de chantier et le représentant à la prévention ne sont toujours pas en vigueur.
Le nombre de dossiers ouverts et acceptés par la CNESST a aussi de quoi faire réfléchir. En 2017, 96 135 personnes ont été touchées par un accident de travail ou victimes d’une maladie professionnelle, ce qui représente une augmentation de 5 721 cas par rapport à 2016.
Il faut que ça change
Un des grands principes directeurs de la LSST, c’était l’élimination à la source même de tous les dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.
« Il est impératif de remettre la prévention au cœur de la démarche en santé-sécurité, de marteler Luc Vachon. C’était, en 1979, la priorité du législateur, 38 ans plus tard, elle doit l’être plus que jamais, si nous ne voulons pas perpétuer le modèle actuel, où la réparation, l’indemnisation, s’accapare de la plus grande proportion du budget, comparée à celle dont bénéficie la prévention. S’il est essentiel d’indemniser les personnes, il faut impérativement accorder plus de ressources au volet de la prévention, quitte à revoir nos façons de faire, à adopter de nouvelles mesures en ce sens. » La prévention représente moins de 12 % du budget global du volet santé et sécurité de la CNESST. Ce budget regroupe à la fois l’ administration, la réparation et la prévention.
Depuis l’adoption en 1979 par l’Assemblée nationale de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le mouvement syndical n’a cessé de talonner les gouvernements qui se sont succédés à Québec afin qu’ils respectent l’esprit et la lettre de cette loi.
Le vice-président et responsable du dossier de la santé et de la sécurité du travail à la CSD, Martin L’Abbée, dénonce vertement, quant à lui, l’inaction de l’actuelle ministre du Travail, Dominique Vien qui, depuis plusieurs mois déjà, a entre les mains le rapport sur la modernisation du régime de SST, fruit des travaux qu’ont mené pendant plus de deux ans syndicats et employeurs dans le cadre d’un sous-comité du Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre (CCTM). « C’est un enjeu majeur, mais ce rapport consensuel est jusqu’ici resté sans suite. À cause de son peu d’empressement à agir dans ce dossier, des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs sont laissés pour compte. L’immobilisme doit avoir une fin », insiste-t-il.
La CSD a toujours été partie prenante des grandes batailles livrées en vue d’assurer aux travailleuses et aux travailleurs un milieu de travail sain et sécuritaire. À maintes reprises, elle a, de concert avec les autres organisations syndicales, vigoureusement réclamé que les mécanismes de prévention, prévus dans la loi, s’appliquent à tous les milieux de travail, offrant les mêmes protections à l’ensemble de la main-d’œuvre québécoise. Qu’il s’agisse de la formation d’un comité de santé et de sécurité, de la désignation d’un représentant à la prévention, de l’élaboration d’un programme de prévention comme d’un programme de santé spécifique à un établissement, la très grande majorité des travailleurs est toujours écartée de pans entiers de la loi.
« Une iniquité indécente à laquelle le gouvernement doit impérativement mettre fin. Comme mouvement syndical et comme société, nous avons l’obligation de mettre tout en œuvre afin d’amener Québec à sortir de sa léthargie et à faire de la prévention sa priorité. Par sa négligence, le gouvernement est imputable de ces morts, de ces blessés, ne l’oublions pas. Mettre en berne les drapeaux à l’Assemblée nationale, ça ne suffit pas. Il faut des gestes concrets, et rapidement! Nos travailleurs ont le droit essentiel de travailler sans perdre la santé, sans perdre la vie », de conclure Luc Vachon.