« Il n’y a plus de problèmes pour les femmes au travail. » Christiane Carle, présidente du Comité consultatif pour les femmes est loin de partager ce constat. « La pauvreté a un sexe, les personnes les plus pauvres au Québec, ce sont les immigrantes, les femmes handicapées. Les femmes occupent des emplois pour lesquels le salaire est moins intéressant que celui des hommes, elles ont beaucoup moins de fonds de pension, elles vont rester plus longtemps au travail à cause de leur situation économique. Dès que quelqu’un sort du modèle majoritaire, que ce soit par son orientation sexuelle ou même son désir d’exercer un métier non traditionnel, ça crée une onde de choc. Pourtant, nous les femmes, nous ne voulions pas être à part des autres, juste vivre notre vie », témoigne-t-elle.
Pour rendre les milieux de travail plus égalitaires, elle met deux solutions de l’avant : soutenir la diversification professionnelle des femmes et développer la mixité homme-femme.
« Si les hommes sont présents dans presque tous les types d’emploi, le choix professionnel des femmes n’en touche qu’une quinzaine. Au départ, il y a donc de la part des femmes et même de ceux qui les orientent une méconnaissance de l’ensemble des emplois qui existent dans le marché du travail », fait-elle observer.
Québec a lancé en avril 2002 le projet ACCORD, qui a permis à chaque région d’identifier des créneaux d’excellence. On en dénombre 45, mais dans 73 % de ces créneaux, il y a peu ou pas du tout de femmes qui y travaillent.
« Encore aujourd’hui, les femmes sont moins bien positionnées que les hommes pour occuper des emplois d’avenir. Les filles n’étudient pas dans des domaines comme l’éolienne, la nanotechnologie, la troisième transformation du bois, etc. Qu’elles puissent aller à l’école, poursuivre des études jusqu’à l’université, c’est une grande victoire, mais il faut aussi qu’elles puissent choisir d’autres métiers que ceux qu’elles exercent traditionnellement. Un homme peut gagner 40 000 $ avec un diplôme d’études professionnelles (DEP) en usinage, une fille doit, en 2011, avoir un baccalauréat et plus, ce n’est avec un DEP en coiffure qu’elle pourra avoir un tel salaire », enchaîne-t-elle.
Quant à la mixité des milieux de travail, elle pointe le rôle important des syndicats. « Quand un syndicat travaille à garder les femmes en emploi, quand il adopte une démarche inclusive, ça fait toute la différence. L’intégration d’une personne qui vit une situation minoritaire, ça ne peut pas reposer que sur ses seules épaules, il faut changer les mentalités, changer l’organisation du travail, agir sur le système et cela, les syndicats sont bien placés pour le faire », constate Christiane Carle, qui travaille en Estrie pour un organisme d’aide à l’emploi pour les femmes.
Mettant en évidence combien les stéréotypes ont la vie dure, elle lance en guise de conclusion : « si ce n’est pas nous qui travaillons pour l’égalité, pour enrayer les stéréotypes, pour changer le monde, qui va le faire? »