« Il est temps d’adopter un nouveau cadre commercial qui améliore réellement la vie des travailleurs. Nous ne pouvons nous permettre un nouvel accord commercial qui privilégie de nouvelles possibilités considérables pour les investisseurs au lieu d’emplois de qualité pour les travailleurs. » – Déclaration syndicale sur la négociation du PTP, le 15 mars 2010
Le Partenariat transpacifique (PTP), signé aujourd’hui 4 février, encourage un développement non durable, porte atteinte à la justice sociale, diminue le pouvoir du mouvement syndical et des communautés, et renforce le pouvoir des entreprises.
L’intérêt national doit redevenir l’intérêt des citoyens
Le PTP est promu par de grandes entreprises et vise à institutionnaliser le pouvoir économique d’un pour cent de la population en le renforçant au moyen d’instruments juridiques. Cet accord a peu à voir avec le réel commerce et la croissance économique et a pour but de réduire l’espace politique, de réduire la réglementation et la législation et de réformer la gouvernance. Les gouvernements acceptent de s’engager à fond dans les accords de libre-échange et d’investissement principalement parce que, dans la perception des décideurs, l’intérêt national se confond avec l’intérêt de leurs acteurs économiques les plus influents, ayant des répercussions extrêmement négatives sur la démocratie et le développement.
Le PTP a été négocié en secret, hors du regard du public, des parlements et des systèmes de justice habituels. Dans certains cas, des représentants de la société civile, du mouvement syndical et des entreprises ont été invités à contribuer aux débats lors des cycles de négociation donnant une illusion d’inclusion. Il ressort du texte publié du PTP qu’il est clair que, si la société civile, les organisations syndicales et les petites entreprises ont pu faire entendre leur voix, seules les grandes entreprises ont en fait été écoutées. En réalité, les grandes entreprises ont joué un rôle fondamental dans l’élaboration du programme et des objectifs des négociations en exerçant dès le départ des pressions sur leur gouvernement.
Les gouvernements ont poursuivi les négociations du PTP aveuglément, même lorsque toutes les études d’impact commandées révélaient des avantages négligeables. Contrairement à ces évaluations, une étude de l’université Tufts, qui n’a été commandée par aucun gouvernement et qui est fondée sur des hypothèses et une modélisation économique réalistes, révèle que la part des revenus des travailleuses et des travailleurs diminuera avec le PTP. L’étude met également en évidence la perte de 771 000 emplois dans les pays du PTP ainsi que d’autres impacts négatifs sur les petits producteurs, les PME, les travailleuses, les travailleurs et l’environnement. Le PTP entraînerait, en outre, des pertes d’emplois et en termes de PIB dans les pays non signataires du PTP. Les pertes en termes de PIB (3,77 %) et d’emplois (879 000) parmi les pays développés non signataires du PTP s’expliqueraient, en grande partie, par les pertes en Europe, alors que les pertes en termes de PIB (5,24 %) et d’emplois (4,45 millions) dans les pays en développement reflètent les pertes prévues en Chine et en Inde.
Le PTP sape la démocratie
Le PTP établit des mécanismes nationaux d’harmonisation réglementaire et de coopération internationale entre les pays signataires. Selon ces mécanismes, les gouvernements doivent répondre aux entreprises et défendre leur projet de réglementation sur la seule base d’évaluations des coûts-bénéfices et des impacts sur le commerce, ce qui déboucherait sur un processus dépolitisé d’élaboration de la réglementation excluant les valeurs et les objectifs sociaux et environnementaux. L’obligation des États de réglementer afin de protéger et de promouvoir les droits sociaux et l’environnement, dénommée « le droit des États de réglementer pour atteindre les objectifs légitimes » dans le PTP, sera réduite et soumise aux intérêts du marché.
En outre, le PTP renforce et élargit la capacité des entreprises à poursuivre les gouvernements afin de contester la réglementation, voire les décisions des tribunaux nationaux, dans un processus dénommé « règlement des différends entre investisseurs et États ». Bien que certaines améliorations légères aient été proposées pour combler les lacunes juridiques bien documentées des tribunaux, aucune d’entre elles ne remédie à la multitude de lacunes de ce système d’arbitrage qui manque de transparence, d’imputabilité et d’indépendance. La principale préoccupation demeure la création d’un système de justice privé réservé exclusivement aux investisseurs étrangers.
Les entreprises ne devraient pas pouvoir collaborer à la rédaction des lois et des règlements des États souverains. Dans les démocraties, cette responsabilité incombe aux responsables élus et dûment mandatés. Les lois et règlements servant des objectifs publics, ils sont élaborés dans des processus qui sont intrinsèquement politiques. Les entreprises ne devraient pas pouvoir contester les lois et les règlements des États souverains devant des tribunaux autres que ceux des États souverains. Les États souverains pourraient établir une coopération bilatérale dans le cadre du règlement amiable des différends relatifs aux investissements au lieu de convenir d’instruments juridiques qui les privent de souveraineté, permettant aux investisseurs d’exiger des rançons aux États pour avoir adopté des mesures d’intérêt public.
Le PTP prétend garantir les droits sociaux, mais en réalité il les mine
Tandis que les investisseurs étrangers bénéficient du droit de saisir des tribunaux privés spécialement constitués en vertu de l’accord pour s’attaquer au salaire minimum, à la santé publique et à la réglementation environnementale qui augmenteraient leurs coûts, les travailleurs/euses et les communautés ne disposent que d’instruments juridiques destinés à leur donner simplement une illusion de justice. Les différends relatifs au non-respect des normes en matière de travail et d’environnement doivent en effet être portés par des acteurs étatiques, et non par les parties lésées elles-mêmes, un syndicat ne pouvant poursuivre un État, par exemple. L’expérience d’autres accords commerciaux démontre que ces instruments, lorsqu’ils existent, ne sont pas utilisés parce qu’ils sont considérés comme trop coûteux sur le plan politique. Un seul différend de travail international a été soumis aux instruments commerciaux similaires à ceux établis par le PTP. L’affaire est en cours depuis pratiquement huit ans sans qu’aucune solution ne soit trouvée ou sans que les conditions de travail ne soient améliorées. Ces instruments se sont avérés trop faibles pour faire face à l’ampleur des défis auxquels la main-d’œuvre mondiale et l’environnement sont confrontés.
Le PTP porte atteinte aux services publics et à la santé
Le PTP assure une protection excessive des droits de propriété intellectuelle dans le cas des médicaments et des espèces végétales et animales. Comme il est probable que les prix des médicaments augmentent, les pays qui couvrent le coût des médicaments devront réduire la couverture, augmenter les impôts, ou recourir à des emprunts pour maîtriser la montée en flèche des coûts des médicaments. Cette protection excessive des brevets pourrait entraîner un accroissement de la dette publique créant ainsi les conditions permettant au secteur privé d’exiger davantage de privatisations et des mesures d’austérité plus sévères. Dans le même temps, rien ne garantit qu’une large protection des droits de propriété intellectuelle favorise une plus grande innovation parce que de nombreuses entreprises pharmaceutiques consacrent davantage des ressources financières à la protection jalouse des brevets au détriment de la recherche et développement. L’accès à des médicaments abordables et la capacité des gouvernements à décider des médicaments qu’ils subventionnent est un élément important du système de soins de santé universels. Le PTP menace les soins de santé en tant que droit humain en faisant passer les profits avant les patients et la santé publique.
Le PTP ouvrira les marchés des services publics aux prestataires privés, limitant la capacité des gouvernements à utiliser les contrats qu’ils accordent par appel d’offres pour atteindre les objectifs économiques et sociaux. Les autorités locales et les communautés dans le monde entier réclament une remunicipalisation des services publics à la suite de la première vague de privatisation parce que la qualité des services et leur accès se sont gravement détériorés. Ces décisions devraient reposer entre les mains des citoyens, et non découler des règles contraignantes d’un accord commercial dans lequel les communautés concernées n’ont pas eu de voix.
Le PTP promeut la prospérité économique de quelques-uns et des coûts d’ajustement insoutenables pour le plus grand nombre
Une conséquence directe de l’ouverture des marchés est la création d’économies d’échelle dont bénéficient les grandes entreprises, alors que les plus petits producteurs et fournisseurs ainsi que leurs travailleurs/euses doivent réduire les coûts, intégrer l’économie informelle ou quitter le marché. Dans ce contexte, les grandes entreprises usent de leur pouvoir accru pour augmenter les prix des produits finis que les consommateurs paient et réduire les marges bénéficiaires des petits producteurs et les salaires des travailleurs/euses tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
La tendance à la consolidation et à l’expansion du pouvoir de marché n’est nulle part ailleurs plus clairement démontrée que dans les services financiers. La consolidation des marchés a débouché sur la création d’énormes institutions financières qui sont « trop grandes pour faire faillite ». La déréglementation des marchés financiers et l’ouverture des marchés des services financiers qui est réalisée à travers le PTP ne feront qu’exacerber les causes de la crise financière de 2008 qui sont toujours présentes et qui peuvent nous faire retomber en récession à tout moment.
Le mouvement syndical international s’oppose au PTP parce qu’il fait primer les intérêts des entreprises sur ceux des citoyennes, des citoyens et de la planète.