Les principales associations patronales et syndicales au Québec s’opposent vigoureusement aux modifications proposées par les articles 24 et 27 du projet de loi n˚ 152 présenté hier par la ministre responsable du Travail. Ces articles limitent le renouvellement des mandats pour les administrateurs du CA de la CNESST (2 renouvellements de mandats de 2 ans pour un maximum de 6 années), incluant les mandats des administrateurs actuellement en place.
« La modification législative ne résiste pas à l’analyse objective », affirment les dirigeants d’associations. « De plus, une telle proposition attaque l’un des piliers fondateurs du régime de santé et sécurité au travail, à savoir le dialogue social au sein d’une organisation bénéficiant d’une gestion paritaire, impliquant les acteurs les plus représentatifs des milieux du travail au Québec ».
- Aucun organisme gouvernemental comparable au Québec ne comporte une telle clause limitant à 6 ans maximum les mandats d’un administrateur ni des organisations comme la Caisse de dépôt et placement du Québec ni d’autres semblables.
- Un relevé des bonnes pratiques de gouvernance révèle qu’une telle règle demeure rarissime et, au contraire, ne permettrait pas de faire profiter l’organisation de l’expérience acquise par les administrateurs au fil du temps, et ce, particulièrement pour une organisation dont les décisions peuvent avoir des impacts à long terme. Dans un très petit nombre de cas, la durée totale des mandats recensés se limite au minimum à 10 ou 12 ans.
- Le CA de la CSST auparavant, puis celui de la CNESST qui l’a remplacée, s’est doté au fil des ans de politiques, d’un code d’éthique, de règles internes et même de programmes de formation en gouvernance pour les administrateurs qui sont exemplaires et qui limitent les risques de conflits d’intérêts de quelques sortes. Dans ce contexte, quel problème ou quel enjeu la modification législative entend-elle corriger ?
- Le Québec s’est doté depuis plusieurs années d’instances de concertation et de paritarisme qui fonctionnent et qui ont su démontrer, avec le temps, leur capacité à mener un travail efficace grâce à un dialogue social soutenu. Il est regrettable que la modification législative proposée remette en question un modèle de gouvernance qui a fait ses preuves.
Hors de tout doute, la durée des mandats des administrateurs actuels à la CNESST ne fait aucun problème ni au niveau des perceptions ni au niveau de la réalité. Si c’était le cas, le gouvernement du Québec, par souci de cohérence, devrait appliquer la même règle à la durée des mandats des autres organisations gouvernementales qui administrent aussi des fonds de l’ordre de milliards de dollars. Soulignons que la CNESST gère un fonds de plus de 16 milliards de dollars et que les associations concernées ont comme premier intérêt sa bonne gestion.
Rappelons enfin que les premiers ministres qui se sont succédés depuis la Révolution tranquille, tous partis confondus, ont présentés le paritarisme et le dialogue social à la québécoise comme un modèle en Amérique du Nord. D’ailleurs, lors de l’adoption du PL-42 par l’Assemblée nationale du Québec, en juin 2015, créant la nouvelle CNESST, le gouvernement avait décidé de réitérer l’importance du paritarisme et de la participation des principaux acteurs du marché du travail et avait insisté pour que les personnes déléguées fassent faire partie des plus hauts dirigeants des associations concernées.
S’attaquer à la durée des mandats des administrateurs de la CNESST constituerait un bris dans ce modèle. Chose certaine, les résultats démontrent que la compétence acquise au fil du temps constitue une des forces de la CNESST et non une faiblesse.