Luc Vachon, président de la CSD
L’Institut de la statistique du Québec nous apprenait récemment que, en 2021, pour chaque dollar gagné par un homme, en moyenne, une femme a gagné 92 cents. Il s’agit de l’écart salarial de la rémunération horaire : pour l’année 2021, entre les travailleurs et les travailleuses, celui-ci se situait à 9,2 %. Alors qu’en 1998, cet écart était d’environ 17 %, force est de constater une évolution positive notable.
S’il faut reconnaître cette importante avancée, il ne faut toutefois pas perdre de vue que cette statistique représente mal l’ensemble d’une situation plus problématique, soit que les femmes font encore les frais d’iniquités qui structurent le marché du travail.
L’équivalent d’une inflation à chaque année ?
Comparer le salaire horaire d’un homme et d’une femme donne un portrait incomplet : s’il nous renseigne quant au gain obtenu pour chaque heure travaillée, rien n’est dit sur la quantité d’heures travaillées, et donc le revenu effectivement gagné. Or, si on compare la rémunération de toute une semaine entre un homme et une femme, l’écart salarial se creuse considérablement pour plonger à 17,7 % – cet écart représente environ 10 000 $ par année !
Effectuons un exercice de comparaison. L’inflation, qui défraie les manchettes depuis un an, se situait à 6,8 % en novembre dernier. Avec raison, de nombreux ménages accusent difficilement une telle hausse des prix et vivent une période difficile.
Cela étant dit, 17,7 % d’écart salarial montre que les femmes subissent un manque à gagner encore bien plus important que l’inflation ! On trouve difficile de boucler le budget quand le panier d’épicerie augmente aussi brusquement en un mois ? Mettons-nous à la place des femmes, dont le pouvoir d’achat est encore plus limité que la contraction causée par l’inflation, et ce, d’année en année. Imaginons maintenant l’effet combiné de l’inflation et de l’écart salarial entre les hommes et les femmes…
À l’origine de l’écart de revenu
Encore aujourd’hui, les femmes travaillent plus à temps partiel et moins d’heures que les hommes, mais parallèlement sont responsables d’un plus grand nombre d’heures de travail ménager, non rémunéré. Les hommes ont travaillé en 2021 en moyenne 37 heures par semaine, contre 33 pour les femmes. Par ailleurs, certains secteurs affichent une performance particulièrement médiocre : les femmes ont gagné 14,8 % de moins que les hommes en 2021 dans la fabrication, 22,9 % dans le commerce de détail, et 27,6 % dans la construction.
Le cas de la construction est particulièrement éloquent. Pour obtenir son grade de compagnon, il faut travailler un certain nombre d’heures. Mais comme les femmes sont moins présentes sur les chantiers, elles obtiennent bien plus tardivement le titre de compagnon, ce qui nuit à l’avancement de leur rémunération et explique l’écart de revenu autant important avec les hommes.
La chose semble peut-être simple à affirmer, mais elle reste toujours vraie : le mauvais partage des tâches familiales et domestiques, ainsi que le manque de flexibilité des milieux de travail, empêchent les femmes de gagner suffisamment leur vie.
Des résolutions pour une équité réelle
Ainsi, au-delà de l’écart salarial horaire et de la dimension strictement économique, nous nous soucions que, politiquement, les travailleuses ne sont pas encore les égales des travailleurs. Des politiques audacieuses seront nécessaires pour rétablir le balancier (par exemple, le réseau des CPE a permis aux femmes de joindre massivement le marché de l’emploi et de s’affranchir économiquement). Alors que débute l’année 2023, nous proposons quelques résolutions pour résoudre ce problème.
Premièrement, la mise en place d’une politique nationale de conciliation travail-famille-étude permettra d’adapter les milieux de travail afin que ces derniers soient mieux adaptés aux responsabilités familiales et domestiques, lesquelles sont encore bien trop souvent le lot des femmes.
Dans la même veine, 10 jours de congés payés pour maladie ou obligation familiale, par année, constituent aussi un minimum essentiel pour accorder davantage de flexibilité aux travailleuses, sans perte de revenu.
Il est aussi plus qu’urgent de hausser substantiellement le salaire minimum. En contexte d’inflation, travaillant moins que les hommes pour une rémunération moindre, une hausse salariale consisterait en fait en un rattrapage significatif pour les travailleuses. Le gouvernement du Québec doit prochainement annoncer quel sera le nouveau taux du salaire minimum : nous profitons de la présente tribune pour l’inviter à hausser ce dernier à 18 $.
Finalement, en 2021, alors que les milieux non syndiqués accusent d’un écart salarial de 21,3 %, celui-ci s’amoindrit drastiquement au sein des milieux syndiqués, se situant à 13,3 %. Contre les mauvaises langues arguant que les syndicats sont superflus, nous avons là une belle illustration des retombées positives des organisations syndicales. À celles désirant se battre pour l’équité, nous, les syndicats, serons avec vous dans cette lutte.