par Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
Présentement, François Legault, chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) et premier ministre désigné, vit sur un nuage, il est en pleine euphorie de la victoire. Et c’est parfaitement normal, on ne saurait le lui reprocher. Surtout que personne n’avait prédit l’ampleur de cette victoire. Cependant, cette euphorie ne durera pas éternellement. Monsieur Legault sera vite confronté à la dure réalité de subir les critiques qui fuseront de toutes parts quant à ses politiques. En effet, c’est loin d’être la majorité des Québécoises et des Québécois qui étaient en accord avec ses promesses électorales puisque, somme toute, seulement 38 % des gens ont voté pour son parti (et en tenant compte des abstentions, on parle plutôt de seulement 25 %).
Si Monsieur Legault souhaite opérer le changement « dans l’ordre », comme il le dit lui-même, il devra prendre en considération des acteurs qu’il a tendance à percevoir comme des opposants, à savoir les centrales syndicales. Malgré sa perception, M. Legault doit se rendre compte que nous sommes des acteurs sociaux majeurs ayant à cœur le modèle unique de dialogue social qui existe au Québec. Nombreux sont les commentateurs économiques qui affirment que, si le Québec s’est mieux tiré d’affaire que les autres lors de la crise économique de 2008, c’est précisément grâce à ce modèle où les acteurs syndicaux, patronaux et communautaires sont consultés pour mettre en œuvre des actions de soutien à l’économie bien adaptées à la réalité québécoise, donc efficaces. Il ne faut pas non plus oublier la présence de filets de protection sociale qui a aussi contribué grandement à amortir le choc de la récession.
Rappelons-nous que, si l’économie est importante, elle n’est pas une fin en soi. Elle s’inscrit plutôt dans la gamme des outils permettant de soutenir les projets de société qui nous tiennent à cœur. En ce sens, soyons prudents face aux baisses d’impôts promises. La volonté de remettre de l’argent dans la poche des contribuables ne doit jamais faire oublier que les services publics que le Québec s’est donnés au fil du temps représentent aussi des économies pour monsieur et madame tout-le-monde. Grâce à la constitution de la caisse commune que constituent les impôts, ils peuvent avoir accès à des services de qualité, à moindres coûts que s’ils devaient être achetés sur une base individuelle.
C’est ainsi que la très grande majorité des citoyennes et citoyens ont les moyens d’envoyer leurs enfants à la garderie ou à l’école, de se faire soigner quand le besoin s’en fait sentir, d’acheter des médicaments prescrits, d’utiliser le transport en commun et bien plus encore.
Baisser la cagnotte commune présente aussi des risques parce que, si le Québec vit une croissance économique qui ne se dément pas depuis dix ans, elle ne durera pas éternellement. Il serait sage de se doter d’une réserve suffisante pour se préparer à faire face à d’éventuelles périodes plus troubles, en plus de préserver suffisamment de fonds pour répondre aux nombreux enjeux actuels pour lesquels des besoins de financement sont criants.
N’oublions pas enfin que le gouvernement peut aussi aller chercher de l’argent pour accomplir sa mission du côté de l’évitement et de l’évasion fiscale. Il est plus que temps que tous les contribuables – individus comme compagnies – paient leur juste part d’impôt pour financer les services publics qui rendent notre société plus égalitaire.