Luc Vachon
Président de la Centrale des syndicats
démocratiques (CSD)
La fermeture du musée Stewart, annoncée la semaine dernière, a causé une onde de choc. Il y a un adage qui dit : quand une librairie ferme, c’est un fanal de la culture qui s’éteint. Imaginez lorsqu’il s’agit d’un musée! On comprend mal comment un tel musée peut fermer ainsi, sans avertissement.
Au fil des derniers jours, nous avons entendu de nombreux témoignages illustrant l’attachement des Montréalais envers cette institution. Parmi ceux-ci, il y a celui de l’historien Michel Allard qui, dans les pages du Devoir, a tenu à souligner le legs exceptionnel du musée Stewart, qui a agi comme chef de file dans l’élaboration de la pédagogie qui caractérise les institutions muséales.
Parmi tous ces témoignages, il y a une grande absente : la ministre de la Culture et des Communications. C’est étonnant qu’une si lourde perte pour la mise en valeur du patrimoine, de la culture et de l’histoire québécoise soit passée sous silence par la ministre Nathalie Roy. L’absence de réaction de la ministre reflète malheureusement le désinvestissement de l’État envers les institutions muséales, trop souvent considérées comme des attraits touristiques.
La mission des musées va au-delà des vitrines et des salles d’expositions. Le Conseil international des musées (ICOM) définit les musées comme étant avant tout un service public voué à la préservation, à la recherche et à la communication du patrimoine. Sans les efforts de conservation et de recherche des musées, de nombreux pans de notre histoire auraient à jamais disparu avec le passage du temps.
Les musées sont des organismes à but non lucratif qui dépendent grandement des subventions gouvernementales pour assurer leurs opérations. Un des principaux programmes de financement des musées québécois est le Programme d’aide au fonctionnement des institutions muséales (PAFIM). Or, le PAFIM n’a pas été indexé depuis 2007-2008, alors que les coûts d’opération des institutions muséales, eux, ne sont pas à l’abri de l’inflation et augmentent année après année. En 2013, le Rapport du groupe de travail sur l’avenir du réseau muséal québécois recommandait, en plus d’indexer le PAFIM à l’inflation, d’y injecter annuellement 8 millions supplémentaires. Le gouvernement n’a pas donné suite à cette recommandation et il aura fallu attendre à 2019 pour que de l’argent neuf soit investi dans le programme, faisant passer le PAFIM de 17 millions à 20,3 millions. On est bien loin des 28 millions recommandés en 2013!
Pour faire face à ce sous-financement récurrent, les musées doivent se tourner tant bien que mal vers des sources de revenus autogénérés (billetterie, boutique, location de salle, etc.) pour combler l’écart qui se creuse chaque année. Tous les musées ne sont pas égaux quant à leur capacité d’attirer des visiteurs ou pour produire de tels revenus. De plus, dans le contexte sanitaire actuel, la location de salle ne sera certainement pas une bouée de sauvetage pour les musées.
Ajoutez à cette fragilité financière une pandémie mondiale et nous avons tous les ingrédients pour une catastrophe anticipée. Bien que les ravages engendrés par la pandémie de COVID-19 aient été dévastateurs, cette excuse a toutefois le dos large. En plus de sous-financer les musées depuis plus de 20 ans, le gouvernement du Québec n’a rien fait pour donner de l’oxygène aux musées québécois lors de la pandémie.
En consultant les recommandations de la Santé publique, publiées la semaine dernière, nous avons appris que celle-ci a recommandé à plusieurs reprises la réouverture des musées dès le mois d’octobre, puisqu’ils représentent un risque faible de transmission. Malgré le feu vert de la santé publique, le gouvernement du Québec a pris la décision politique de les maintenir fermés jusqu’au 8 février 2021, sans mettre en place des mesures compensatoires suffisantes.
La situation peut se résumer ainsi : les musées sont sous-financés par l’État depuis de nombreuses années, pour compenser, on leur demande de générer des revenus sur une base autonome, une chose impossible à faire quand les portes sont fermées et que le gouvernement s’entête à ne pas les rouvrir malgré les avis de la santé publique. Le manque à gagner des musées ayant été généré par les décisions – arbitraires – du gouvernement, nous considérons que le gouvernement du Québec et la ministre de la Culture et des Communications ont le devoir d’intervenir sans tarder pour aider les musées à combler leurs déficits. L’État doit intervenir avant qu’il soit trop tard. Sans intervention gouvernementale, la fermeture du Musée Stewart ne sera que le début d’une sombre série. La survie de nos musées, notre culture, notre histoire et notre patrimoine en dépend.