La Centrale des syndicats démocratiques (CSD) considère inacceptable, tant sur le fond que sur la manière, le dépôt hier après-midi du projet de loi no 189 par la ministre du Travail, Dominique Vien. Ce projet de loi vise principalement l’abolition des comités paritaires responsables de l’application des décrets de convention collective et le transfert des responsabilités qu’ils assument à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).
D’après ce que l’on en sait, c’est à cause de problèmes au sein d’un seul des quinze comités paritaires que le gouvernement s’apprête à mettre la hache dans l’ensemble des comités paritaires. Leur conseil d’administration, où sont représentées à parts égales les parties patronale et syndicale, sont pourtant l’instance la plus près des préoccupations des parties d’une industrie, là où peuvent se prendre des décisions qui vont affecter son développement. En confiant la surveillance des décrets à la superstructure que devient la CNESST, les décrets risquent de se voir standardisés pour faciliter leur application. Par exemple, la CSD craint sérieusement que les décrets sur l’industrie des services automobiles ne puissent maintenir leur particularité qui est d’encadrer la formation offerte aux travailleuses et travailleurs et d’accorder une qualification professionnelle à celles et ceux ayant été formés.
Les comités paritaires – et donc, on le rappelle, les parties patronale et syndicale –, dans le cadre de leur mission de surveillance de l’application des décrets de convention collective, se sont dotés de services d’inspection ayant un fonctionnement indépendant. Contrairement à ce qui est véhiculé par certains, les membres du conseil d’administration ne leur dictent pas les entreprises qui seront inspectées. Les inspections se font actuellement de manière impromptue et fréquente, ce qui risque fort de disparaître. En effet, au début des années 2000, les décrets de l’industrie du vêtement ont été abolis pour être remplacés par le mode d’inspection en cours à la CNESST, c’est-à-dire des inspections à la suite de plaintes de salariés, qui s’exposent ainsi à d’éventuelles représailles. Moins d’inspections nous fait craindre que les conditions prévues aux décrets ne seront plus respectées, entraînant ainsi un nivellement vers le bas des conditions de travail. Or, la Loi sur les décrets de convention collective avait précisément été adoptée pour faire en sorte que la concurrence entre les entreprises ne se fasse plus sur le dos des travailleuses et travailleurs, puisque les salaires et certaines autres conditions de travail devenaient les mêmes à l’échelle d’une industrie ou d’une région.
Autre problème : le projet de loi no 189 de la ministre Vien renie le projet de loi no 53 et l’exercice de dialogue social qui a mené à sa rédaction. Présenté en mai 2015 et étudié en commission parlementaire en octobre 2016, le projet de loi no 53 n’a pas eu de suite malgré qu’il visait à faciliter l’application de la Loi sur les décrets de convention collective et à favoriser la transparence et l’imputabilité des comités paritaires. Sans être parfait, il reprenait néanmoins la plupart des consensus développés entre les parties patronale et syndicale réunies au Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre (CCTM) à partir des situations problématiques qui lui étaient présentées.
Pour la CSD, il est inconcevable que tout le travail fait en partenariat, de même que les recommandations qui en sont issues, permettant de rajuster le tir avec les comités paritaires, restent en plan. Pourtant, encore la semaine dernière lors du dévoilement de la stratégie nationale sur la main-d’œuvre, le gouvernement faisait l’éloge des résultats obtenus par le dialogue social, la consultation et l’implication des partenaires.
L’ensemble des travaux a été fait dans l’esprit de préserver le filet de protection des travailleuses et travailleurs des secteurs couverts par les décrets. En reniant cela, la ministre Vien, avec son projet de loi no 189, s’il est adopté, nous mène à moyen terme vers la dilution de l’application des décrets, si ce n’est leur complète disparition. Ce projet de loi, en plus de constituer un affront au fonctionnement démocratique, fragilise inutilement les milieux de travail visés. Il ne doit jamais être adopté et la ministre doit prendre en considération le travail accompli et lui accorder toute l’importance et toute la crédibilité que les intervenants patronaux et syndicaux méritent.