Pour répondre à une situation où des parents voulaient bénévolement peinturer une classe de l’école de leurs enfants, motivés par une cause qui leur tenait à cœur, le gouvernement libéral du Québec a produit en avril dernier un projet de règlement qui devait définir les paramètres entourant le travail des bénévoles.
D’une part, au lieu de confier l’analyse de la situation et la recherche de solutions applicables et durables à un des comités paritaires de consultation sur le travail que le gouvernement a lui-même mis en place, la ministre du Travail, Dominique Vien, a organisé une consultation bidon, faisant semblant d’écouter les analyses exhaustives des acteurs qui sont au fait de l’industrie et qui présentaient les conséquences néfastes qu’entrainerait ce règlement.
C’est donc sans prendre en considération les pistes de solution suggérées par les principaux concernés, que son gouvernement a entériné une deuxième version du règlement qui constitue une déréglementation et un mépris du travail accompli depuis plusieurs années visant le développement de la compétence, de la protection des emplois, de la santé et de la sécurité dans l’industrie de la construction et les efforts pour réduire le travail au noir.
La CSD Construction n’est pas contre le bénévolat qui s’inscrit dans le cadre de la solidarité et de l’entraide, bien au contraire. Ce sont des valeurs fondamentales de nos actions syndicales. Toutefois, le Règlement sur les travaux bénévoles de construction dérive complètement de la trajectoire.
Le nouveau règlement permettra à des bénévoles d’exécuter certains travaux de construction, entre autres, dans plus de 150 000 entreprises de 10 employés et moins, dans les écoles, commissions scolaires, hôpitaux, centres de la petite enfance, dans tous les organismes à but non lucratif, et ce, peu importe les moyens dont ils disposent. Mais qu’est-ce qu’un bénévole? C’est quelqu’un qui a un lien avec une cause, qui s’implique dans une cause, qui veut s’y investir de tout coeur. Cela implique assurément un caractère caritatif, charitable. Qu’est-ce que vient faire le bénévolat dans des compagnies de 10 employés et moins? En quoi cela revêt-il un caractère caritatif? Quelle est la cause noble qui le justifierait? Est-ce que ce seront des bénévoles investis d’une cause que l’on retrouvera travaillant bénévolement dans les infrastructures gouvernementales? Comment la ministre a-t-elle prévu distinguer un vrai bénévole d’un faux?
Ce qui est totalement aberrant et illogique, c’est que, d’un côté de la rue, dans une bâtisse, nous pourrons dorénavant retrouver des travailleuses et des travailleurs de la construction payés légalement, détenteurs de certificats de compétence, tenus de respecter des normes obligatoires en santé et sécurité et, de l’autre côté, des bénévoles exécutant les mêmes travaux, dans une bâtisse identique, sans carte, sans suivre quelque norme que ce soit. Pourquoi la ministre encourage-t-elle une telle iniquité entre ces deux situations?
C’est non seulement méprisant pour les travailleuses et les travailleurs compétents et qualifiés, mais aussi insécurisant pour la santé et sécurité des bénévoles, qui effectueront ces travaux à leurs risques, ainsi que pour le public qui fréquentera les établissements dans lesquels des travaux bénévoles auront été réalisés.
Le gouvernement a-t-il oublié que l’industrie de la construction, malgré les interventions soutenues des acteurs de l’industrie et les importantes améliorations mises en place, figure parmi les milieux de travail dans lequel il se produit le plus d’accidents de travail? À la lumière de ce règlement, il semble que oui!
Nos questions sont multiples, car les effets de ce règlement sont grands.
Qu’est-ce que la ministre du Travail a prévu pour soutenir un bénévole non assuré en cas d’accident?
Pourquoi exige-t-on des formations professionnelles pour effectuer des travaux qui, demain, pourront être faits par n’importe qui?
Pourquoi la Commission de la construction du Québec (CCQ) offre-t-elle près de 400 formations professionnelles pour aider les travailleuses et les travailleurs à se perfectionner et requiert-elle de suivre des formations pour maintenir la carte de compétence des salariés, si, après le 23 novembre, ils n’ont plus besoin de compétences et donc encore moins de perfectionnement pour exécuter certains travaux faits sous le couvert du bénévolat?
Plus encore, l’industrie de la construction figure en haut de la liste des secteurs d’activité détenant le record du travail au noir au Canada et au Québec. Encore ici, le gouvernement se retrouve en parfaite contradiction avec lui-même. D’un côté, il dit travailler activement à enrayer l’évasion fiscale mais, d’un autre, il vient donner un alibi parfait pour augmenter le travail au noir sous le couvert du bénévolat.
Un autre aspect de ce règlement à ne pas négliger est la situation devant laquelle la ministre place les entrepreneurs qui souhaitent opérer légalement. Comment seront-ils en mesure de compétionner dans un contexte où l’utilisation de faux bénévoles travaillant au noir risque de devenir la règle?
Dans une industrie saisonnière, où les travailleuses et les travailleurs effectuent seulement en moyenne 946 heures déclarées par année, comment pourront-ils, dans ces circonstances, refuser de se soumettre aux nouvelles règles qui séviront dans le milieu?
Nous ne comprenons pas et nous n’acceptons pas la position devant laquelle on placera dorénavant les travailleuses et les travailleurs formés de l’industrie: faire du bénévolat (ou du travail au noir déguisé) pour combler des heures, qui autrement, auraient été convenablement payées et déclarées.
Madame la ministre, pourquoi dévalorisez-vous autant les compétences de nos travailleuses et travailleurs?