L’avenir du travail: un virage numérique obligé
Quel sera l’avenir du travail ? Difficile de répondre avec exactitude à cette question, ne sachant pas ce que l’avenir nous réserve. Pour certaines personnes, c’est déjà tout entendu, l’avenir sera meilleur, puisque la 4e révolution industrielle apportera des emplois de qualité tout en éliminant le travail abrutissant et répétitif.
Or, comme pour les changements technologiques des vagues précédentes, pour lesquels le même type de discours était entretenu, l’avenir ne sera pas aussi rose. Il sera fait d’avancées et de reculs, rien n’étant joué par la seule introduction de nouvelles technologies. C’est plutôt le cadre dans lequel elles seront utilisées qui sera déterminant.
Plateforme de travail : Un outil d’appariement numérique qui facilite le contact entre les travailleurs et travailleuses et la demande de travail, en échange d’une rente prélevée sur la valeur de l’activité.
Microtravail : Services spécialisés où des prestataires acceptent de réaliser des tâches fragmentées et standardisées, généralement payées à la pièce. Un exemple de ces tâches, payées quelques cents ou quelques dixièmes de cent du clic, est d’identifier correctement des objets précis sur des images afin d’alimenter un algorithme qui pourra, éventuellement, faire cette identification seule, sans assistance humaine.
Les algorithmes ne sont pas ce qu’ils paraissent
Pour ne donner qu’un exemple, mais un exemple dont beaucoup de monde parle à tort et à travers, prenons les algorithmes, qui sont censés nous aider à prendre des décisions éclairées, notamment dans les milieux de travail. Certains de leurs défauts ont déjà été amplement soulignés, comme celui d’entretenir les préjugés. En effet, les algorithmes qu’utilisent les réseaux sociaux sont conçus pour proposer du contenu en adéquation avec les convictions de l’internaute et ainsi le conforter dans sa vision du monde. Il y a cela dit d’autres aspects tout aussi inquiétants, sinon encore davantage, comme la multiplication des petits boulots en dehors de la relation traditionnelle d’emploi permise par l’intelligence artificielle.
Aussi appelée industrie 4.0, intelligence artificielle ou numérisation de l’économie, la 4e révolution industrielle « se caractérise fondamentalement par une automatisation intelligente et par une intégration de nouvelles technologies à la chaîne de valeur de l’entreprise » (ministère québécois de l’Économie et de l’Innovation).
Il faut avant tout délaisser de la vision hollywoodienne d’une intelligence artificielle forte (IA) prête à remplacer l’intelligence humaine un peu partout, une vision qui reste fantaisiste. En réalité, on a surtout affaire avec de l’IA faible, c’est-à-dire à un système conçu pour résoudre méthodiquement un problème spécifique.
Souvent présentés comme autonomes, les algorithmes ont encore besoin d’assistance humaine pour bien fonctionner, et probablement pour longtemps encore. Ce sont des humains qui passent en revue les « décisions » prises par les algorithmes, même pour la tâche simple qui consiste à identifier des objets sur des images. Et grâce aux plateformes de travail, ce microtravail peut se développer à la marge de la relation d’emploi habituelle puisque le patron demeure difficilement identifiable.
En d’autres mots, la prolifération du microtravail et des plateformes de travail accroît les relations dites triangulaires donneur d’ouvrage/intermédiaire/travailleurs et travailleuses, ce qui cause bien des soucis pour défendre les droits des travailleurs et des travailleuses.
Ce qui complique encore davantage les choses, c’est que les personnes qui réalisent ce travail sont rémunérées au « clic » (dans la littérature, on parle de plus en plus de travailleur du clic), en dehors du rapport salarial, comme s’ils étaient des travailleurs ou des travailleuses autonomes. Elles n’ont donc aucun rapport de force et doivent accepter les conditions imposées, qui ne sont pas loin d’être misérables, par les grands donneurs d’ouvrage. Comme il y a des centaines de milliers, voire des millions de personnes à l’échelle mondiale, prêtes à accepter telle ou telle offre pour ce travail déqualifié et standardisé qui peut être exécuté de partout dans le monde, l’amélioration des conditions de travail devient très difficile, voire impossible.
À moins de changer la législation du travail pour accorder un statut juridique sans équivoque aux travailleurs du clic ! D’où l’importance du cadre d’utilisation des nouvelles technologies.
Les impacts du virage numérique sur les emplois habituels
Bien entendu, l’avenir du travail ne sera pas fait que de microtravail, car il y aura aussi des emplois qualifiés qui seront créés, notamment du côté de la conception des nouvelles technologies. Comme pour les vagues précédentes de changements technologiques, il est à prévoir qu’il y aura d’une part une polarisation entre des emplois très qualifiés en relatif petit nombre, et d’autre part, des emplois déqualifiés en grande quantité. Illustrant cette masse potentielle de travailleurs et travailleuses exploitables et corvéables à merci, il faut savoir que les plateformes de microtravail les plus utilisées comptaient déjà plus de 25 millions d’utilisateurs uniques en 2019, un nombre en croissance rapide.
Cela étant dit, tranquillement, les emplois s’appuient de plus en plus sur de nouvelles technologies et des outils numériques. En effet, les emplois créés au Québec depuis quelques années demandent de plus en plus un haut niveau de qualification, et cette tendance devrait s’accentuer à court terme. À cet égard, l’accès à la formation continue et le rehaussement des compétences de la main-d’œuvre québécoise seront essentiels pour s’assurer que personne ne soit laissé de côté à cause du virage numérique. Consultez notre article sur la formation pour en apprendre davantage sur le sujet.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’un peu en retrait de ce portrait continueront d’exister tous les emplois qui peuvent être très difficilement automatisés, principalement parce qu’ils mettent en relation des personnes entre elles, comme les emplois de l’hébergement-restauration, des soins aux personnes, etc.
Au final, il faut garder à l’esprit que la technologie est au service du mieux-être des humains, un travail plus efficace, plus varié, plus sécuritaire et plus proche des valeurs sociales, et non une fin en soi. L’implantation de nouvelles technologies dans les milieux de travail doit favoriser le mieux-être des personnes et non asservir l’humain à son travail.