La réforme du mode de scrutin pour une réelle égalité politique
En 2018, le gouvernement de la CAQ a fait ses élections en partie sur la promesse de réformer le mode de scrutin afin que ce dernier soit plus proportionnel. Si ce n’est pas la première fois qu’un parti politique en fait une promesse, c’est la première fois que le consensus s’exprime aussi fortement envers une réforme du mode de scrutin puisque tous les partis politiques québécois l’appuient, à l’exception du Parti libéral du Québec (PLQ).
C’est aussi la première fois que la proposition de réforme se rend aussi loin. Un projet de loi pour réformer le mode de scrutin a été déposé en bonne et due forme le 25 septembre 2019, le PL 39, et a passé de nombreuses étapes parlementaires.
Il s’en faut de vraiment peu pour que cette fois-ci soit la bonne pour la réforme du mode de scrutin.
Ce que l’on a: le mode majoritaire uninominal à un tour
Le mode de scrutin actuel est ce qu’on appelle un mode majoritaire uninominal à un tour :
- Majoritaire : il s’agit ici de la majorité simple des votes, c’est-à-dire qu’il suffit
d’avoir plus de votes que son plus proche rival pour être déclaré élu dans sa
circonscription ; - Uninominal : on ne vote que pour une personne ;
- À un tour : on ne vote qu’une seule fois.
Actuellement, le parti politique qui réussit à remporter le plus de circonscriptions devient le parti de gouvernement. S’il obtient plus de 50 % des sièges (ou 63 sièges), il forme un gouvernement majoritaire. Sinon, il doit former un gouvernement minoritaire, comme c’est arrivé deux fois dans un passé récent, en 2007 et en 2012. De plus, depuis juin 2013, les mandats sont de quatre ans, soit le premier lundi du mois d’octobre de la quatrième année civile suivant les dernières élections. Les prochaines élections générales provinciales sont prévues le 5 octobre 2026 au Québec.
Si ce mode de scrutin paraît simple, il produit néanmoins des distorsions importantes entre le suffrage exprimé et les sièges obtenus. Ces distorsions sont préoccupantes puisqu’un parti peut gouverner sans partage pendant quatre ans en obtenant une majorité simple basse, par exemple avec aussi peu que 37 % des votes, ce qui signifie que la majorité des électeurs et des électrices n’a pas voté pour lui.
Au cours des dix dernières élections générales, neuf gouvernements majoritaires ont été formés avec moins de 50 % des voix. On peut donc dire que c’est la règle plutôt que l’exception.
Cette situation antidémocratique cause des problèmes majeurs de représentativité politique. Imaginons un parti politique qui promet de mettre au pas les syndicats. Ce dernier pourrait être élu par une minorité d’électeurs et d’électrices et obtenir la majorité à l’Assemblée nationale. Une fois élu, il pourra alors mettre en œuvre des mesures antisyndicales même si la majorité de la population n’a pas voté pour un tel programme et même si les partis d’opposition s’opposent à ce programme.
Lors des élections québécoises de 2018, les distorsions du système électoral actuel ont rendu possibles les cas suivants :
- L’élection de trois candidates et candidats avec moins de 30% des voix.
- L’élection de seulement 41 candidates et candidats avec plus de 50% des voix.
Cela veut dire qu’une majorité de personnes candidates ont été élues avec moins de la moitié des voix dans leur circonscription!
C’est à partir de cette situation absurde que le mouvement pour une réforme du mode de scrutin s’est développé avec pour objectif que chaque vote compte.
Cinq raisons de changer de mode de scrutin
- Parce que les lois, règlements, décrets et autres mesures adoptés par les gouvernements s’appliquent pour tout le monde, aux gens qui ont voté pour le parti élu comme pour ceux et celles qui ont voté pour un autre parti.
- Parce que le pluralisme politique ne compte plus une fois un parti élu, celui-ci ayant peu de motivation à travailler avec les autres partis formant l’opposition, et ce, même quand une minorité de personnes électrices lui a permis de prendre le pouvoir et donc que la majorité ne voulait pas de son programme.
- Parce que le nombre de votes qui ne comptent pas est plus grand que celui des votes qui comptent.
- Parce que ce sera un moyen efficace de combattre le cynisme envers la politique, étant donné qu’on se rapproche du principe où chaque vote compte.
- Parce que le mode de scrutin actuel oblige les partis politiques à se dénoncer les uns les autres et à marquer des points contre les autres partis pour espérer attirer l’attention de l’électorat, au lieu de tenter de travailler à des alliances qui seraient plus représentatives de la volonté des électeurs et électrices.
Les revendications de la CSD
Nos revendications visent à remettre de la proportionnalité dans le projet proposé par le gouvernement :
- Que chaque région électorale, à part les régions d’exception, compte au
moins deux député·es de région pour que la compensation puisse réellement faire
son œuvre. - Que le seuil d’éligibilité national aux sièges de région soit abaissé de 10
à 2 %. - Que tous les sièges de circonscription remportés comptent dans
l’attribution des sièges de région. - Si le gouvernement ne démord pas de l’idée de tenir un référendum sur le mode de
scrutin, que celui-ci renonce à le tenir en même temps que la prochaine
élection générale pour plutôt le tenir dans l’année suivant l’adoption du
projet de loi 39. - Que la marche vers la parité femmes-hommes soit renforcée en imposant, pour
les sièges de région, l’alternance femme-homme sur les listes de candidatures
régionales et en imposant qu’une liste sur deux commence par une femme. De
plus, pour les sièges de circonscription, que la loi prévoit des incitatifs
financiers aux partis politiques qui font élire au moins 40 % de femmes
dans les circonscriptions et des pénalités à ceux qui n’atteignent pas cet
objectif.