Conditions de travail décentes
Pour une réforme de l’assurance-emploi

Réformons l’assurance-emploi pour qu’elle supporte réellement les travailleurs et les travailleuses.

L’assurance-emploi est constamment l’objet d’une chaude lutte entre, d’un côté, les mouvements ouvriers et les organisations syndicales, et de l’autre, une certaine volonté partagée par les organisations patronales et les formations politiques conservatrices de faire la chasse aux « mauvais chômeurs » et de forcer le retour au travail à tout prix. Le chômage n’est pourtant ni un luxe ni une invitation à la paresse, mais bien une mesure de soutien aux personnes qui ont perdu leur emploi.

En 1993, la réforme Axworthy a initié une longue série d’attaques sans précédent et continue envers l’assurance-emploi. Ces attaques ont culminé avec le saccage de l’assurance-emploi  en 2013 mené par le gouvernement Harper. Ces réformes ont toutes eu pour conséquences de réduire l’accès au chômage et le niveau des prestations versées, de complexifier le système afin de décourager les travailleurs et les travailleuses à y recourir, et à forcer le retour au travail à tout prix, même si le nouveau travail est en deçà des qualifications du travailleur et de la travailleuse ou de la rémunération de son précédent emploi.

Si le gouvernement de Justin Trudeau a apporté d’importants changements à l’assurance-emploi en 2016 pour corriger le saccage du gouvernement Harper et que d’autres améliorations sont annoncées, mais surtout se font attendre, des chantiers considérables sont malgré tout requis:

  • Pour en améliorer l’accessibilité,
  • Pour bonifier l’aide allouée aux demandeurs et aux demandeuses
  • Et pour que cesse la judiciarisation des dossiers.

Les mesures mises en place par les différents gouvernements fédéraux dans les 30 dernières années ont réduit de moitié l’accès au chômage.

Personne ne devrait faire les frais d’une situation personnelle incontrôlable ou des aléas de l’économie. Dans la mesure où le travail doit être digne et valorisant, bénéficier du chômage ne devrait pas être une honte, simplement un soutien permettant de conserver sa dignité tout en cherchant un nouvel emploi. En ce sens, il est impératif de réformer l’assurance-emploi afin d’en faire un réel programme social supportant ceux et celles qui perdent leur emploi et qui les traite avec dignité.

Un régime plus accessible et bonifié

L’actuel fonctionnement de l’assurance-emploi n’est pas assez accessible et ne couvre pas suffisamment les besoins des bénéficiaires.

L’admissibilité à l’assurance-emploi est présentement calculée en fonction des taux de chômage régionaux : pour une région donnée, plus le taux de chômage est bas, plus le seuil d’heures qu’il faut avoir travaillé en une année est élevé. Les règles du calcul sont toutefois bien trop élevées et briment l’admissibilité au régime. Notamment, les personnes travaillant à temps partiel (ou simplement moins de 35 heures par semaine) sont particulièrement impactées par le fait qu’il faille travailler un nombre minimal d’heures, et non de semaines. Davantage de flexibilité est requise pour prendre en compte les différentes réalités des travailleurs et des travailleuses, par exemple les travailleurs saisonniers.

Alors qu’aujourd’hui les taux de chômage sont particulièrement bas dans toutes les régions, il faut souvent avoir travaillé 700 heures pour avoir droit au chômage, ce qui représente 20 semaines de travail.

Le niveau des prestations allouées est beaucoup trop faible pour soutenir les besoins des chômeurs et des chômeuses. Les prestations ne couvrent que près de la moitié (55%) d’un maximum de 63 200 $ et plusieurs éléments tendent à la baisse le niveau des prestations allouées. Il est plus qu’urgent de redresser les différentes variables du calcul du niveau des prestations afin qu’elles ne maintiennent pas les chômeurs et les chômeuses dans la misère.

Une personne qui recoit des prestations du RQAP devrait recevoir des prestations d’assurance‑emploi si elle advenait à perdre son emploi

Une iniquité finale doit être corrigée, soit les contradictions entre le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) et l’assurance-emploi. Comme les femmes prennent en moyenne des congés parentaux plus longs que les hommes, celles-ci n’accumulent souvent pas suffisamment d’heures travaillées pour se qualifier à l’assurance-emploi. S’il advient que celles-ci perdent leur emploi au cours de leur congé de maternité ou à leur retour, elles se retrouveront sans soutien.

La CSD revendique, entre autres :

  • Bonifier
    l’admissibilité à l’assurance-emploi afin d’augmenter le nombre de personnes
    qui pourront demander du chômage :
    • Réduire
      à 420 le nombre annuel d’heures de travail requis pour l’admissibilité aux
      prestations assurables.
    • Éliminer
      la variation du seuil d’heures travaillées en fonction du taux de chômage
      régional.
    • Instaurer
      un volet d’admissibilité hybride calculé à partir des heures de travail
      assurables et des semaines assurables de travail.
    • Corriger
      l’iniquité qui fait qu’une personne recevant des prestations du RQAP puisse
      recevoir des prestations d’assurance‑emploi si elle advenait à perdre son
      emploi.
  • Augmenter
    le niveau des prestations afin que les prestations soient davantage à la
    hauteur des revenus qui ont été gagnés auparavant en :
    • Calculant
      le revenu admissible à partir des 12 meilleures semaines de rémunération
      plutôt que 14 à 22.
    • Augmentant
      le maximum annuel de rémunération, de 53 100 $ en 2019, à 84 849 $.
    • Augmentant
      le taux de remplacement de revenu passe de 55 % à 60 %.

Les chômeurs aussi ont des droits !

Le préjugé du mauvais chômeur persiste encore aujourd’hui : celui qui cherche à frauder le système ou qui ne mériterait pas d’avoir droit à l’aide de l’État. Un tel préjugé est pernicieux, car il légitime qu’on bafoue et restreigne les droits des travailleurs et des travailleuses à bénéficier du chômage quand ils et elles en ont besoin.

Les réalités du travail étant variées, le droit à l’assurance-emploi ne doit pas être bloqué par des situations particulières, comme un départ volontaire ou un conflit de travail. Dans la même veine, les prestataires de l’assurance-emploi sont assujettis à un régime intense de recherche d’emplois et doivent parfois se résigner à accepter un emploi « convenable », même si cet emploi est en deçà de leurs qualifications ou de la rémunération qu’il tirait précédemment. Plutôt que de forcer le plus de gens à rester ou à retourner au travail dans des conditions qui ne sont pas souhaitables, le chômage doit permettre aux prestataires de subvenir à leurs besoins pendant qu’ils et elles cherchent un emploi à la hauteur de leur expérience et de leurs qualifications, tout en prenant compte également des réalités régionales et sectorielles.

Il est également nécessaire de revoir de fond en comble le fonctionnement du Tribunal de la sécurité sociale (TSS), le tribunal administratif chargé de rendre les décisions finales quant aux différents litiges des prestataires d’assurance-emploi, comme le niveau d’une prestation, la durée de celle-ci, et plus généralement, l’admissibilité au chômage. En effet, le TSS est une instance lourde, obscure et complexe, où de nombreux dossiers sont judiciarisés à outrance alors qu’ils auraient pu être réglés autrement. Ce triste état de fait est l’un des legs du saccage de l’assurance-emploi mené par le gouvernement Harper.

Actuellement, le TSS alourdit de façon abusive le droit des prestataires à faire valoir leurs droits. Les délais sont trop longs alors qu’une inutile révision administrative des dossiers est imposée au début du processus d’appel. De plus, comme le tribunal ne siège qu’à un seul juge, un appel peut être sommairement rejeté sans explication. Le fonctionnement du tribunal est ainsi obscur et ne permet pas de résoudre de manière satisfaisante les problèmes.

La CSD revendique :

  • Remplacer l’exclusion des départs volontaires, des congédiements pour inconduite et des refus d’un emploi convenable par une exclusion de 6 semaines, afin que les impacts d’une décision personnelle ne soient pas aussi brutaux.
  • Prolonger la période de référence ou de prestations habituelles pour les personnes non rappelées au travail suite à un conflit de travail du nombre de semaine qu’a duré le conflit, afin de soutenir ces personnes qui ont subitement perdu leur emploi.