Rodrigue Chartier, un pilier du syndicalisme, s’éteint
La Centrale des syndicats démocratiques est en deuil, Rodrigue Chartier s’est éteint mardi dernier. Avec son départ, la centrale perd un très grand militant, un militant plus grand que nature.
Rodrigue était un homme de principes et de conviction, dont l’engagement syndical était total et il ne s’est jamais démenti au fil des années. Son adhésion aux valeurs de la CSD était sans failles, sans aucune compromission, mais aussi sans aucun sectarisme. Ces valeurs étaient profondément enracinées en lui et il leur a été fidèle jusqu’au bout, quels que soient les défis qu’il a eus à relever, les embûches qu’il a rencontrées.
S’il s’imposait par la qualité de son engagement, Rodrigue était aussi reconnu de ses pairs comme au sein de la centrale pour son humanisme et son leadership. Son charisme n’était pas uniquement lié à ses talents d’orateur. C’est de l’exemple qu’il donnait au quotidien, de la réputation de défenseur inconditionnel des travailleurs de l’amiante qu’il s’était bâtie que lui venait l’ascendant qu’il exerçait sur les autres.
J’ai effectué avec lui plusieurs missions à l’étranger et, partout où il allait, il suscitait le respect. Les orientations, les propositions qu’il mettait de l’avant étaient toujours bien accueillies et souvent retenues. Il s’est battu corps et âme, déployant temps et énergies à essayer de contrecarrer la psychose qu’engendraient la production et l’utilisation de l’amiante chrysotile dans de nombreux pays à travers le monde.
Au cours des deux dernières décennies, nous avons, lui et moi, mené plusieurs batailles ensemble, défendu différents dossiers et très souvent avec succès.
A la CSD, Rodrigue participait aux différentes instances avec assiduité. Ses interventions étaient attendues et appréciées, c’était celles d’un vieux sage. Toujours faites dans le respect de l’autre et pour le développement de la centrale. Il aura été un exemple, une source d’inspiration pour de nombreuses militantes et de nombreux militants, leur transmettant le goût de la CSD et le désir de s’engager.
Rodrigue se battra sans relâche, avec acharnement pour défendre les travailleurs de l’amiante, il voulait le meilleur pour eux, rien d’autre. Une quête qui pour lui n’aura pas eu de fin. Après l’annonce de la fermeture de la mine, il continuera à se battre, malgré sa maladie, refusant d’abandonner les travailleurs à leur sort, refusant de les voir condamnés à la précarité. Ça aura été son dernier combat. Un combat inachevé que nous poursuivrons et que nous gagnerons.
Sous sa présidence, le syndicat s’est doté d’un fonctionnement démocratique exemplaire, a développé sa capacité de mobilisation, a innové encore et encore pour sauver la mine, lui assurer des lendemains prometteurs, mais surtout pour maintenir les emplois.
Sous sa présidence aussi, le syndicat a rayonné non seulement dans la région d’Asbestos, au sein de la centrale, mais également sur la scène internationale. Rodrigue avait compris que sa croisade pour une utilisation responsable et sécuritaire de l’amiante dépassait le cadre du Québec.
Déterminé autant que passionné, Rodrigue était aussi un homme d’équipe, toujours soucieux et respectueux des autres et de leurs opinions, il travaillait sans cesse à développer des consensus que ce soit parmi les membres du bureau syndical ou parmi l’ensemble des membres du syndicat.
Rodrigue a fait ses premiers pas dans le syndicalisme dès la fin des années 1970. En 1983, il devient le président du valeureux Syndicat national de l’amiante d’Asbestos inc., un des syndicats fondateurs de la CSD, et il occupera cette fonction pendant près de 30 ans. Ce n’était pas un mince défi que de présider aux destinées d’un syndicat qui a marqué l’histoire syndicale du Québec. La grève de 1949 en avait fait un symbole de résistance face à l’arrogance patronale, à la répression policière, au pouvoir politique, symbole de la lutte de travailleurs pour obtenir de meilleures conditions de travail et de vie ainsi qu’un environnement de travail plus sain, plus sécuritaire. Ce conflit de travail a marqué à jamais l’imaginaire collectif québécois.
Toute sa vie syndicale, Rodrigue n’a eu qu’un seul objectif : servir, défendre le bien commun. Sa disparition représente une perte énorme, qui ne pourra jamais être comblée car Rodrigue Chartier est irremplaçable, mais il nous laisse un bel héritage
Quant à moi, j’ai perdu un ami, un frère d’armes, avec qui je prenais grand plaisir à échanger, à travailler dans l’espoir d’un avenir meilleur pour les travailleuses et les travailleurs que nous représentons. Il me manquera énormément.
À tous ceux et celles qui l’ont connu, qui l’ont rencontré, il laissera à jamais le souvenir d’un homme engagé, hors du commun, d’un grand syndicaliste, d’un battant préoccupé de justice sociale, qui a apporté une contribution exceptionnelle à la CSD, au mouvement syndical québécois.
Au revoir, Rodrigue. Tu resteras toujours vivant dans nos mémoires.
Yvan Provancher – La Tribune
ASBESTOS — Un monument du syndicalisme à Asbestos s’est éteint mardi dernier à l’âge de 66 ans, suite à une longue maladie. Rodrigue Chartier a durant une trentaine d’années, assumé la présidence du Syndicat national de l’amiante, un parcours semé de nombreux défis relevés pour soutenir les luttes des travailleurs de l’amiante.
« Son état de santé déclinait visiblement depuis les deux dernières années. Il livrait un combat inégal avec la maladie. C’est une grosse perte pour le syndicat chez nous et pour le syndicalisme en général. Son expérience n’a pas d’égal, ne pourra être remplacé, nous devrons y succéder au mieux de notre capacité » a commenté Marcel Bachand, le nouveau président du Syndicat national de l’amiante.
« L’homme était énormément dévoué à améliorer les conditions de travail, les avantages des travailleurs miniers de la mine Jeffrey. Il était accueillant, toujours disponible, cherchant continuellement à trouver et mettre de l’avant des solutions aux problèmes vécus par les travailleurs. Si le ton était parfois élevé, il n’était pas pour autant fâché, vivant sans rancune, le coeur sur la main. Sans gêne, il frappait aux bonnes portes pour régler les problématiques, ce positivement. Le syndicaliste avait des idées bien arrêtées, bien articulées et étoffées. Il nous fallait avoir des arguments très solides pour ébranler ses convictions ».
Natif de Princeville, dès l’âge de 2 mois, il se retrouve avec sa famille à Asbestos. En 1967, il entre comme journalier à la mine d’amiante. La piqûre du syndicalisme ne se fait pas attendre, il devient vice-président de son syndicat durant les années 1977 – 1978. C’est en 1983 qu’il est nommé président du Syndicat national de l’amiante.
Faisant face à des conditions économiques pour ses travailleurs miniers en 1984, il travaille avec acharnement avec son mentor syndical, Jeannot Picard, à obtenir le projet de Loi C-172 permettant aux travailleurs plus âgés en ancienneté de céder la place aux plus jeunes tout en recevant de l’assurance emploi jusqu’à l’âge de 65 ans, une longue démarche à l’intérieure de laquelle, il y laissera sa santé de l’avis de plusieurs.
En 1992, i l collabore à la mise en place de la Coopérative des travailleurs de Mine Jeffrey qui avait acquis une participation dans la propriété de la mine d’amiante qui comptait alors environ 900 travailleurs. Suite à la fermeture obligée de la mine d’amiante, le militant a passé ces dernières années à rechercher des moyens d’obtenir des indemnisations pour les travailleurs touchés, son dernier combat syndical.
Sur Ici Radio-Canada Première, Estrie
La journaliste Annie Corriveau, de Radio-Canada Estrie, a livré un émouvant reportage en hommage à Rodrigue Chartier.
Le reportage d’Annie Corriveau a été ensuite été repris au TJ de Radio-Canada Estrie :
Pour voir le reportage, cliquez ici et ensuite déplacez le curseur à 12 : 21.